Volet pluviométrie

Le présent rapport a trait au volet pluviométrie du programme ICCARE. Les variables traitées constituent, donc, des séries chronologiques de pluies. La question à laquelle ce rapport essaye d’apporter une ou plusieurs réponses est

peut-on constater un changement de la pluviométrie mensuelle au cours des dernières décennies?

Cette question découle des résultats d'analyse de la variabilité de la pluviométrie annuelle.

Il faut souligner que l’analyse de la pluviométrie à un pas de temps mensuel intègre des variations de facteurs climatiques déterminants comme la saisonnalité :

L’étude à un pas de temps mensuel peut nous permettre de cartographier à un niveau régional ces différents résultats imbriqués, chose que nous n’avons pas pu faire individuellement.

L’échelle de présentation des résultats est celle de la région étudiée.

DONNEES ET METHODES

Les données sont des valeurs mensuelles de pluviométrie sur l’ensemble des pays. La majeure partie de l’information récoltée est contenue dans la base « PLUVIOM » gérée à Montpellier par l’ORSTOM. Grâce à des contacts avec des services nationaux et d’autres équipes de recherches (qu’ils en soient tous remerciés!), nous avons pu compléter la base. Nous disposons à l’heure actuelle, d’une base très complète qui couvre l’ensemble de la zone étudiée et ce, depuis l’implantation des postes pluviométriques jusqu’à la fin de la décennie 1980.

La sélection des postes analysés repose sur des critères de qualité des données et de longueur des séries pluviométriques. La quantité d’information retenue varie beaucoup d’un pays à l’autre (voir annexe). Elle est très faible sur la Sierra Leone et le Liberia.

Le travail a été effectué à un niveau régional. Nous avons cartographié l’évolution de la pluviométrie mensuelle sur les décennies 1950, 1960, 1970 et 1980.

CARTOGRAPHIE DES VARIATIONS DE LA PLUVIOMETRIE MENSUELLE

Près de 200 postes ont permis l’obtention des cartes de variabilité de la pluviométrie mensuelle. On trouvera en annexes toutes les cartes : isohyètes, pluviométrie et indices pluviométriques.

Les résultats que nous présentons ne découlent que d’une simple analyse des données pluviométriques. Nous n’avons pas les données suffisantes et les compétences pour les relier à des conditions climatologiques particulières (phénomène El Nino, force des up-wellings le long des côtes de la Côte d’Ivoire au Bénin, position du front intertropical, ...).

Il est, toutefois, sûr que ces résultats à un pas de temps mensuel sont des éléments de compréhension du mécanisme du phénomène de sécheresse rencontré au cours des dernières décennies en Afrique de l’Ouest et Centrale.

Mois de la grande saison sèche

Ce sont les mois de Décembre, Janvier et Février.

mois de Décembre

Globalement, durant ce mois, la pluviométrie a baissé au cours des quatre décennies. Cette baisse se fait surtout ressentir sur les pays de la façade atlantique (Guinée Conakry, Sierra Leone et Liberia mais nous ne disposons que de peu de données!) qui sont les plus arrosés. L’Afrique Centrale semble avoir été épargnée par ce phénomène.

mois de Janvier

La pluviométrie est inférieure à 5 mm sur les 2/3 Nord de la zone d’étude. L’isohyète 5 mm s’est déplacé vers le Sud de façon continu depuis la décennie 1960.

Sur les côtes, où il pleut le plus, la pluviométrie a fortement diminué et ce à partir de la décennie 1970.

A l’Est (Tchad et Centrafrique), peu de changement semble être intervenu.

mois de Février

Plus de la moitié Nord de la zone d’étude a une pluviométrie inférieure à 5 mm.

Dans les régions où la pluviométrie est « plus importante », la baisse de la pluviométrie s’observe dès la décennie 1960. Ce phénomène prend de l’ampleur durant la décennie 1970 et est maximum durant la décennie 1980. Il est moindre autour de Sassandra en Côte d’Ivoire, sur la côte ghanéenne et au Sud-Ouest du Nigeria.


Durant les mois de la grande saison sèche, les régions les plus arrosées comme la façade atlantique et le long du Golfe de Guinée ont une pluviométrie qui diminue fortement. Ailleurs, la pluviométrie semble avoir diminué dans des proportions moins fortes. Mais elle était déjà très faible, voire nulle!

Mois de la grande saison des pluies en zone guinéenne

mois de Mars

Dans quelques régions des pays côtiers, les pluies commencent à être plus fréquentes au cours du mois (Cameroun, Nigeria, Ghana, Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone et Guinée Conakry).

Sur les régions à pluviométrie très faible, peu de changement semble être intervenu au cours des 4 décennies. Il semble y avoir eu des alternances de décennies excédentaires et déficitaires mais pas de tendance générale dans un sens ou dans l’autre.

Durant la décennie 1970, la partie Est de la zone d’étude est plus déficitaire qu’ailleurs. Toutefois ce phénomène connaît un net recul à l’Est de la zone d’étude durant la décennie 1980. En certains points, il pleuvrait, même, plus!

Les zones à pluviométrie plus forte connaissent un net recul au cours de cette dernière décennie.

mois d’Avril

Avril est un mois où s’installe la saison des pluies dans les pays énumérés au-dessus. On peut ajouter à la liste le Togo, le Bénin et la Centrafrique qui connaissent à leur tour des pluies plus fréquentes.

La décennie 1960 apparaît comme particulièrement pluvieuse, par rapport à la période de référence, entre le 5ème et le 14ème parallèle dans la partie Centrale de la zone d’étude. La pluviométrie devient moindre au cours de la décennie suivante et baisse, même, assez fortement durant la décennie 1980 en quelques points de Sierra Leone, Liberia, Côte d’Ivoire, Ghana, Cameroun, Centrafrique et Tchad.

mois de Mai

Entre le 5ème et le 14ème parallèle, la tendance à la diminution de la pluviométrie durant les décennies 1960, 1970 et 1980 est observable mais elle n’a pas une ampleur bien forte.

La décennie 1980 apparaît comme la plus déficitaire par rapport à la période de référence sauf au Sud du Cameroun et au Sud-Ouest de la Centrafrique.

mois de Juin

La décennie 1960 semble avoir été assez fortement excédentaire sur la zone étudiée.

Durant la décennie suivante, on observe un déficit qui prend encore plus d’ampleur pendant la décennie 1980.

Seule, la Centrafrique ne connaît pas de diminution importante de la pluviométrie au cours de ces 4 décennies. Mais partout ailleurs, on peut affirmer que la pluviométrie mensuelle a été moins importante au cours des 2 dernières décennies par rapport à la période de référence (1950-1989).


La grande saison des pluies a connu une décennie 1960 très excédentaire (mais moins marquée en Mai) par rapport à la période de référence dans certaines régions de l’Afrique de l’Ouest : de la Côte d’Ivoire au Nigeria. Au cours des décennies suivantes, le déficit pluviométrique a touché l’ensemble de la zone étudiée.

Mois de la saison des pluies en zone de climat soudanien

Entre Juillet et Septembre, le Nord de la zone d’étude connaît, à son tour, des pluies plus importantes et plus fréquentes. Parallèlement, en zone guinéenne, les pluies diminuent en intensité et en nombre. On parle de « petite saison sèche » dans cette zone. Le gradient pluviométrique, dans ces régions, s’inverse : il pleut plus au Nord qu’au Sud.

mois de Juillet

Sur les régions connaissant la petite saison sèche, la décennie 1960 a été pluvieuse. Ailleurs, on ne note guère de changements significatifs.

Au cours des 2 dernières décennies, le déficit pluviométrique se généralise et touche durement les zones sahéliennes durant la décennie 1980.

Le Cameroun, une partie du Nigeria, le Ghana et une partie de la Côte d’ivoire restent des régions épargnées par ce phénomène.

mois d’Août

Sur la décennie 1950, on observe nettement l’inversion du gradient pluviométrique.

Toutes les régions à latitude inférieure à 10°Nord et à longitude inférieure à 15°Est ont une pluviométrie qui a augmenté durant la décennie 1960 après une décennie 1950 largement déficitaire. Durant la décennie 1980, elles sont même excédentaires par rapport à la période de référence. Ce résultat va de pair avec ce que l’on a observé dans le rapport n°71 ICCARE où on notait la réduction de la zone à 2 saisons des pluies aux dépens d’une zone à 1 seule saison des pluies. Les régions concernées passent alors d’un climat tropical humide (2 saisons des pluies) à un climat tropical sec (1 saison des pluies) où le mois d’Août est un mois de saison des pluies.

Dans les régions au Nord du 10ème parallèle et à l’Est de la zone étudiée, au contraire, le déficit n’a cessé de croître.

mois de Septembre

Globalement, toutes les régions, à latitude supérieure à 10°Nord et à longitude supérieure à 5°Ouest, apparaissent de plus en plus déficitaire au cours des décennies 1970 et 1980. Seule la bordure littorale (région qui connaît encore la saison sèche), le long du Golfe de Guinée, semble épargnée par ce phénomène.


Pendant le mois d’Août, on peut observer que la pluviométrie a augmenté de la Côte d’Ivoire au Nigeria. Dans ces régions, la limite entre la zone à 1 et 2 saisons des pluies s’est fortement rapprochée de la façade maritime. D’un régime à 4 saisons, cette zone tend dorénavant vers un régime à 2 saisons où le mois d’Août est un mois pluvieux. Dans le Nord, alors que l’on est en pleine saison des pluies, le déficit pluviométrique est élevé.

Mois de la petite saison des pluies en zone guinéenne

D’Octobre à Novembre, les pluies redeviennent plus fréquentes au Sud du 10ème parallèle, tout en devenant pratiquement inexistantes en bordure du Sahel.

mois d’Octobre

La décennie 1950 est la plus pluvieuse par rapport à la période de référence. Dès la décennie 1960 et plus encore durant les deux suivantes, la pluviométrie va diminuer. Toute la zone étudiée est touchée par cette baisse de la pluviométrie. Les régions à l’Ouest (au delà de 5°Ouest de longitude) et le bassin du Chari et du Logone sont particulièrement touchés. Le recul de la pluviométrie est également net le long des côtes.

mois de Novembre

Le déficit pluviométrique ne cesse de s’accentuer au cours des 2 dernières décennies. Il est très fort au Sud du 10ème parallèle. Dans les régions sahéliennes, le déficit est un peu moins important.


En Octobre, l’ensemble de la zone est touchée. En Novembre, c’est au tour de la façade maritime d’en ressentir le plus les effets.

SYNTHESE

Les observations faites précédemment nous incitent à effectuer des regroupements de certaines régions ou pays découpant ainsi la zone d’étude en 4 sous-zones (figure 1). Ce découpage résulte aussi des différents climats rencontrés en Afrique de l’Ouest et Centrale et exposés plus haut :

Bien sûr, les limites de ces zones ne sont que pure abstraction. De part et d’autre de ces limites, la transition se fait progressivement et ce, sur quelques centaines de kilomètres parfois.

Le tableau 1 synthétise les observations de la répartition de la pluviométrie annuelle durant la décennie 1980 par rapport à la période de référence 1950-1989.

Zone 1

Notons tout d’abord que l’information pluviométrique est peu importante sur le Liberia et la Sierra Leone.

De Décembre à Mars, les pluies sont faibles mais on observe quand même une diminution de celles-ci, excepté dans le Nord de la zone au mois de Mars.

D’Avril à Mai, on observe une très légère diminution de la pluviométrie qui devient très importante au cours des mois suivants pendant la saison des pluies. Les mois d’Août et Septembre sont particulièrement déficitaires par rapport à la période de référence.

Les mois qui suivent la fin de la saison des pluies (Octobre et Novembre) connaissent également une diminution importante de leur pluviométrie.

Zone 2

De Décembre à Mars, on observe une diminution généralisée de la pluviométrie dont l’intensité est variable selon les régions.

Pendant les mois de la grande saison des pluies (Avril à Juillet) qui touche le Sud de la zone, la décennie 1980 est déficitaire par rapport à la période de référence sur l’ensemble de la zone.

Pendant la petite saison sèche, les régions concernées connaissent une pluviométrie qui croît. Ce résultat confirme la réduction de la zone à 2 saisons des pluies aux dépens de la zone à une saison des pluies où le mois d’Août est un mois de saison des pluies. A cette même période, le Nord de la zone qui connaît la saison des pluies, est très déficitaire et ce, jusqu’à la fin de la saison.

La petite saison des pluies est moins touchée que la grande saison des pluies par ce phénomène. Toutefois, le dernier mois (Novembre) est moins pluvieux qu’auparavant.

Zone 3

Durant toute l’année, la diminution de la pluviométrie est observable sur l’ensemble de la zone. Elle est particulièrement forte pendant la saison des pluies et un peu moins forte pendant la saison sèche. Rappelons que pendant cette dernière, le pluviométrie est de toutes façons très faible.

Zone 4

On observe une baisse de la pluviométrie tout au long de l’année. Elle se renforce en Avril à la frontière tchadienne et centrafricaine.

Les mois les plus humides sont alternativement excédentaires et déficitaires dans les régions les plus équatoriales.

CONCLUSION

A la question posée en introduction, la réponse est qu’effectivement la pluviométrie mensuelle a changé au cours des dernières décennies en Afrique de l’Ouest et Centrale. Mais le changement ne s’est pas effectué uniformément sur toute l’année même si globalement sur chacun des mois la pluviométrie a diminué.

Rappelons tout d’abord que le régime des pluies découpe la zone d’étude en deux domaines climatiques : équatorial et tropical. Le premier ne constitue qu’une partie peu importante de la zone d’étude.

L’analyse des résultats présentés montrent que le phénomène de sécheresse touche de façons très différentes la zone étudiée. Il ne nous est pas possible de décrire son mécanisme de mise en place car nous n’en détenons pas tous les éléments explicatifs. Les régimes pluviométriques (et donc la climatologie) de la région semblent avoir beaucoup évolué dans cette zone comme l’ont montré les différents résultats des précédents rapports ICCARE.

Peu de régions peuvent prétendre avoir échappé à une baisse des précipitations mensuelles. Certaines régions ont même connu une forte perturbation dans la répartition des précipitations durant ces dernières décennies : la Côte d’Ivoire en est le parfait exemple.

On a le sentiment que les régions les plus touchées sont celles où normalement il pleut le plus (de la Guinée à la Côte d’Ivoire) et celles où, normalement, il pleut le moins, comme la bordure sahélienne. Entre les deux, le phénomène de sécheresse est très disparate.

En Afrique Centrale, le phénomène n’a pas connu une ampleur comparable à ce qu’elle est en Afrique de l’Ouest non sahélienne.

Travailler à un pas de temps mensuel exige une connaissance approfondie du fonctionnement du climat dans cette région qui apparaît comme très complexe. Nos observations faites sur la pluviométrie devraient être complétées par d’autres observations climatologiques afin de permettre une meilleure compréhension du mécanisme de mise en place du phénomène de sécheresse en Afrique de l’Ouest et en Afrique Centrale.

Annexes


DEBUT DE LA PAGE